Une mesure fiscale pénalise les victimes d’accidents et de maladies du travail


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Encore cette année, des milliers de victimes d’accidents et de maladies du travail, ainsi que leur famille, auront la surprise d’être pénalisées, en produisant leur déclaration de revenus, par une mesure fiscale adoptée il y a maintenant dix ans par le gouvernement du Québec. L’uttam ainsi que de nombreuses organisations ouvrières dénoncent depuis longtemps cette injuste mesure et revendiquent son abolition, notamment la FTQ, la CSN, la CSQ, la CSD, la FIQ, l’APTS et le SPGQ.

Calculées sur la base du salaire net des victimes, les indemnités de remplacement du revenu de la CSST sont pourtant non-imposables. En effet, les principes fondamentaux de notre droit déterminent que la réparation d’un dommage corporel et ses conséquences n’est pas imposable puisque le corps humain n’est pas taxable.

En adoptant en 2004 la « mesure de redressement d’impôt », le gouvernement libéral de l’époque a cependant réussi un astucieux tour de passe-passe lui permettant de contourner ce principe et de faire payer des millions de dollars d’impôt à des travailleuses et des travailleurs indemnisés pour une lésion professionnelle.  Bien que les indemnités demeurent formellement non-imposables, le résultat est souvent le même que si elles l’étaient et fait en sorte que les victimes d’une lésion professionnelle ou leur conjoint ou conjointe peuvent devoir payer plus de 2 000 $ d’impôt supplémentaire pour l’année fiscale 2013.

Comment ça s’applique?

La mesure a pour effet de réduire le montant personnel de base qui sert à calculer les crédits d’impôt non remboursables accordés à tout le monde au Québec.  Pour l’année 2013, le montant personnel de base est de 11 195 $.  Pour chaque jour de l’année où la CSST a versé une indemnité de remplacement du revenu, une victime d’accident ou de maladie du travail voit réduire son montant personnel de base de 27,60 $. Notons que la mesure ne dépend en rien du montant de l’indemnité reçue : une personne qui reçoit 45 $ par jour voit son montant personnel de base réduit du même montant qu’une personne dont l’indemnité s’élève à 110 $ par jour. Pour une personne qui a été indemnisée durant toute l’année 2013, cette réduction équivaut à 90 % de son montant personnel de base, soit 10 075,50 $.

Cette diminution du montant personnel de base peut entraîner un impôt supplémentaire à payer de 5,52 $ par jour indemnisé pour l’année fiscale 2013, ce qui correspond à 2 015,10 $ d’impôt additionnel pour une personne ayant été indemnisée durant toute l’année.

Qui est touché?

Règle générale au Québec, seules les personnes ayant un revenu imposable de plus de 13 994 $ en 2013 sont susceptibles de payer de l’impôt et ce grâce aux crédits d’impôt non remboursables.  Cette règle ne s’applique toutefois pas aux personnes qui reçoivent une indemnité de remplacement du revenu puisqu’elles peuvent devoir payer de l’impôt à partir d’un revenu imposable aussi bas que 1 330 $ pour une année.

Une personne seule qui n’a aucun revenu imposable n’aura pas à payer d’impôt supplémentaire à cause de ses indemnités de remplacement du revenu.  Par contre, un travailleur ayant travaillé durant six mois en 2013 et ayant reçu des indemnités suite à un accident du travail pendant le reste de l’année, verra son montant personnel de base amputé de 5 050,80 $.  Comme ce travailleur a touché un salaire pendant six mois, il a bénéficié d’un revenu imposable pour lequel il devra payer un montant d’impôt supplémentaire de 1 010,16 $ en plus de l’impôt payé sur le salaire qu’il a reçu.  Une travailleuse indemnisée durant toute l’année 2013 pourrait quant à elle devoir payer un impôt supplémentaire de 2 015,10 $ si elle a par ailleurs touché un revenu imposable durant l’année, tel un revenu d’intérêt, de location, une rente, etc.

En plus de toucher les personnes indemnisées elles-mêmes, la mesure peut également affecter leur famille.  En effet, il est actuellement possible au Québec de transférer à une conjointe ou à un conjoint des crédits d’impôt non remboursables inutilisés.  En réduisant leurs crédits d’impôt, la mesure limite cette possibilité pour les victimes d’accidents ou de maladies du travail, ce qui fait en sorte que leur conjoint ou conjointe paiera davantage d’impôt.  Pour une personne ayant été indemnisée durant toute l’année 2013 sans toucher d’autre revenu, la mesure se traduira par un impôt supplémentaire à payer de 2 015,10 $ pour le conjoint ou la conjointe.