Le Comité école et société a présenté au 33e Congrès de la FNEEQ les résultats de ses travaux sur la privatisation « de l’intérieur » de notre système d’enseignement ainsi qu’un rapport d’étape sur la liberté académique.
Le dossier Partenariats et place de l’entreprise privée en éducation cherche à rendre compte de la logique d’ensemble qui se dégage des nombreuses attaques contre le système d’éducation et d’enseignement supérieur au Québec depuis les années 1980. Avec le sous-financement chronique et idéologiquement soutenu du système, et avec le concept de « réinvestissement austéritaire », le dossier cherche à montrer comment la hausse du financement de l’éducation dans le budget libéral 2017-2018 (les hausses caquistes ultérieures) se trouve en parfaite continuité avec les années antérieures d’austérité-réinvestissement. Cela s’explique par la stratégie néolibérale d’affamer la bête (Starve the beast).
D’une main, les gouvernements se font du capital politique en promettant des réductions fiscales qui les « obligeront » à réduire la taille de l’État – permettant au privé d’occuper la place laissée vide par les services publics – et de l’autre, en orientant les « réinvestissements » vers des politiques qui encouragent les partenariats, le recours à la sous-traitance ou à de nouvelles formes d’organisation du travail, ils achèvent leur travail de marchandisation et de managérialisation des services publics en contraignant ces derniers à « avaler n’importe quoi » dans le but d’obtenir du financement. (Comité école et société, p. 5)
Au-delà de la logique d’ensemble et d’une recension de « Quelques moments clés de l’arrimage de l’éducation aux besoins du marché du travail et à l’approche de l’entreprise privée » (pp. 16-23), le dossier s’intéresse en détail aux principales formes actuelles de l’ingérence des entreprises privées et de la pensée entrepreneuriale dans notre système d’enseignement.
Sur la base de ces analyses et données empiriques, le Congrès a voté une série de recommandations qui orienteront notre vie syndicale et fédérale au cours des trois prochaines années de mandat. Ces recommandations qui se trouvent dans le document Recommandations adoptées – Questions de privilège (pp. 10-11) nous invitent à lutter, tant sur le plan national que régional et local, pour dénoncer le développement (souvent subventionné par l’État) de partenariats avec l’entreprise privée; à combattre l’approche managériale de nos administrations par l’accroissement de notre représentation dans les instances décisionnelles; à combattre le développement non-conventionné de l’enseignement à distance; etc.
Réflexion sur la liberté académique. La seconde présentation du Comité école et société au Congrès concerne la réflexion qu’il a menée, en collaboration avec l’équipe de la FNEEQ ainsi que de plusieurs autres comités (Interculturalité, discrimination et racisme systémiques au travail et en éducation, Femmes, diversité sexuelle et pluralité des genres ainsi que Précarité, relève et vie syndicales) au sujet de la liberté académique en lien avec les enjeux du racisme et de la discrimination systémiques. Le rapport d’étape présenté conclut, notamment, qu’il n’y a aucune incompatibilité entre le respect de la liberté académique et le respect des différentes formes de diversité (culturelles, sexuelles, de genre, etc.).
Les principales menaces contre notre liberté académique viennent de la précarité, de l’attitude clientéliste et managériale des administrations d’établissement et du sous-financement qui font en sorte que, plutôt que de défendre leur personnel enseignant comme elles en ont l’obligation, les administrations ont tendance à vouloir satisfaire leur « clientèle » étudiante. Cela ne signifie pas que la liberté académique puisse servir à cautionner l’expression de n’importe quelle « opinion » en classe de la part des enseignant-e-s. La liberté académique engage l’ensemble de la relation pédagogique et devrait permettre le développement de débats, certes passionnés, mais dans le respect mutuel.
Beaucoup d’autres éléments de réflexion ont été abordés, dont les définitions développées par l’UNESCO de la liberté académique et leur traduction plus ou moins réussie dans nos conventions collectives et surtout dans les décisions judiciaires ou du Tribunal administratif du travail. Le dossier complet et détaillé sera présenté lors du Conseil fédéral de l’automne (du 1er au 3 décembre 2021).
Ricardo Peñafiel,
Chargé de cours et professeur associé, science politique et sociologie, UQAM
Membre du Comité école et société de la FNEEQ