Humeur exécutive

Une ère nouvelle s’annonce

Cela fait un an déjà que je suis représentante de notre syndicat au Conseil d’administration (CA) de l’UQAM. Ce fut une année tellement riche en activités syndicales que je ne l’ai pas vue passer! Une année bien particulière, également, à cause de la pandémie. Je ne sais toujours pas ce que cela donne un CA en présentiel. Je devrais le vivre pour la première fois le mois prochain, lorsque la direction présentera notre hypothèse de règlement aux membres du Conseil. Ceci étant dit, bien que l’écran puisse représenter un certain obstacle dans la communication, comme nous l’avons expérimenté dans nos réunions et séances de cours en ligne, les rencontres au CA ont été très instructives pour moi.

Je savais déjà qu’une université était un système complexe, mais j’ai pu mieux saisir son mode de fonctionnement. On y comprend qu’une décision prise par le Conseil, dans l’objectif d’améliorer une situation donnée, peut souvent avoir des répercussions non souhaitées sur d’autres membres de la communauté. Il s’agit alors de tenter, par l’échange, de trouver les solutions les moins contraignantes pour tous, ce qui n’est pas toujours aisé. Et l’évolution mal définie de la place de l’UQAM dans la société québécoise ne facilite pas les choses.

L’UQAM, en tant que membre du réseau des Universités du Québec, a une histoire particulière dans notre Belle Province. Elle est connue pour son ouverture, son militantisme et son accessibilité, car elle offre l’opportunité, à celui qui souhaite travailler fort, d’accéder à une éducation universitaire de qualité. Il faut dire qu’à l’époque de sa création, il y avait un retard à rattraper dans la province. « En 1959, 11 % de la population québécoise anglophone d’âge universitaire poursuivait des études universitaires, contre seulement 4 % des francophones », nous rappelle Jean-François Venne, dans son article « UQAM : 50 ans de démocratisation de l’éducation universitaire », lors d’une collaboration spéciale dans Le Devoir du 5 octobre 2019.

Mais l’auteur ajoute qu’à force, parfois, de ne montrer que les écueils, en faisant abstraction des succès, la population québécoise pourrait avoir une perception décalée de notre institution. En effet, propulsée par les grandes luttes menées par les syndicats et les associations étudiantes, l’UQAM a plutôt bien réussi, à travers les décennies, la mission qui lui avait été confiée à sa naissance. « Elle a décerné des diplômes à plus de 269 000 personnes, en plus de former 70 % des enseignants de la région de Montréal et 30 % de ceux de l’ensemble du Québec. Elle a aussi innové sur le plan des programmes offerts avec, par exemple, la création de l’Institut des sciences de l’environnement et de l’Institut de recherches et d’études féministes dès 1990 », continue Jean-François Venne.

L’UQAM a donc contribué à transformer la dynamique de la vie urbaine à Montréal, ainsi que celle du marché du travail de la province, notamment en innovant constamment dans les services à la communauté et en développant le sentiment d’inclusion de ses membres.

Et je me demande aujourd’hui, si nous ne sommes pas en train de vivre, dans la douleur certes, mais tout de même, le début d’une nouvelle ère pour notre université. La pandémie a accéléré une tendance déjà existante au niveau des inscriptions chez nous. Plus précisément, nous perdons de plus en plus la catégorie d’étudiants qui avait principalement fait la popularité de l’UQAM à ses débuts : « les adultes déjà sur le marché du travail, qui souhaitent retourner aux études, et à qui l’université offre des cours du soir et plus de flexibilité ». Parce qu’ils ont parfois déjà vécu la vie étudiante sur un campus universitaire et ne sont donc plus en quête d’une telle expérience, l’enseignement en ligne devient la modalité d’enseignement qu’ils recherchent le plus, d’un point de vue pratique.

Force est de constater que nous ne sommes plus exactement face aux mêmes problématiques qu’au début des années 70, lorsque nombre d’étudiants représentaient les premiers membres de leur famille à aller à l’université. Et parce que le Québec a réussi son pari, il doit faire face à de nouveaux défis. Notre syndicat devra donc, à nouveau, faire partie de ceux qui vont contribuer à propulser l’université dans la réalisation de ses objectifs, face aux enjeux de l’heure. Voilà pourquoi la suite de notre négociation collective concernant la formation à distance est d’une importance capitale.

Au niveau du recrutement universitaire, la demande a changé et il va falloir que l’offre s’adapte. Au début des années 70, les défis de l’UQAM étaient principalement idéologiques : il s’agissait de démocratisation, d’égalité en droits, d’équité. Ces défis sont des luttes permanentes à mener, cela est sans équivoque, car un acquis n’est jamais totalement acquis, pour paraphraser Simone de Beauvoir. Cependant, à eux s’ajoutent aujourd’hui de nouveaux défis nés, d’une part, du succès du militantisme des dernières décennies et, d’autre part, de la révolution numérique. L’institution se retrouve obligée de se transformer de manière structurelle. Par conséquent, en plus de défendre nos idéaux, notre militantisme devra également se montrer très pragmatique. La manière dont notre syndicat gère la présente convention collective me réconforte dans l’idée qu’il se trouve dans la bonne direction.

Une nouvelle ère est en construction au niveau de l’enseignement supérieur au Québec. Un ami ingénieur me disait cette semaine : « En construction, le diable est dans les détails ». Nous devrons donc être attentifs et à l’affût de la moindre subtilité qui pourrait créer une régression dans nos luttes. Notre syndicat devra être plus uni que jamais et devra s’appuyer fortement sur ses fondations pour permettre à ses membres de réaliser pleinement la vision qu’ils projettent sur cette ère nouvelle qui s’annonce.

Ndack Kane

Représentante des chargées, chargés de cours au Conseil d’administration de l’UQAM
Membre du Comité exécutif du Conseil d’administration de l’UQAM