Décès de Richard Labonté, un grand militant syndical


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C’est avec une grande tristesse que le SCCUQ a appris le décès, le 23 août, de Richard Labonté, chargé de cours aux départements de mathématiques et d’informatique de l’UQAM. Richard a enseigné à l’UQAM pendant plus de 33 ans. Il laisse le souvenir d’un excellent enseignant, possédant de grandes qualités de pédagogue, dévoué et très apprécié de ses étudiantes et étudiants. Richard a aussi été un militant syndical engagé et de grande valeur. Il a été, notamment, membre du Comité de surveillance des finances pendant plus de 25 ans et président d’élections du SCCUQ durant de nombreuses années. Le Syndicat perd ainsi un collègue apprécié et un ami.

Conformément aux dernières volontés du défunt, la famille recevra les condoléances des collègues et amis de Richard le vendredi 29 août à partir de 19 heures au bar l’Amère à boire, 2049 rue Saint-Denis. Les personnes sont invitées à se vêtir de rouge et de noir à la mémoire de Richard.

Des collègues l’ayant bien connu ont exprimé le souhait de lui rendre hommage. Voici les témoignages de Marie Bouvier, d’Ivan Constantineau et de Jocelyn Chamard.

Un militant de grande valeur

On se souviendra des interventions de Richard dans nos instances : claires, précises, concises, pertinentes et toujours percutantes. Un humour qui lui était prore a animé nos instances et était fortement appréciée des membres. Il avait une habileté bien à lui pour nous amener à poursuivre la réflexion. Son opinion était bien campée et ses propos étaient toujours empreints de respect envers les membres.

On se souvient également de ses nombreux engagements syndicaux et ce malgré un agenda fort rempli. Il trouvait toujours du temps pour appuyer son syndicat. Notamment sa contribution au Comité de surveillance des finances pendant plus de 25 ans, un apport majeur pour le syndicat. Comme président d’élections, il a officié durant de nombreuses années et ce, de façon intègre, structurée et très efficace. Il s’est toujours acquitté avec rigueur de ses mandats, il était responsable et dédié à la cause.

Plusieurs éloges restent encore à faire concernant ses implications, sa personnalité attachante et chacun de nous garde en mémoire et en nos cœurs des souvenirs qui nous sont propres. Une chose est évidente, c’est qu’il va manquer à son syndicat!

Marie Bouvier

Un géant freelance

«Freelance». C’est ainsi que Richard Labonté se décrivait il y a quelques décennies. Il enseignait à l’UQAM, aux HEC, à Concordia, à l’ETS, il était partout à la fois. On reconnaît aujourd’hui que ce n’est peut-être pas la meilleure façon de gagner sa vie tant les exigences du métier mènent à des voies parsemées d’embuches, à des stress inimaginables qui portent définitivement atteinte à la qualité de vie. Richard Labonté était un géant de l’enseignement. Ce qui l’a abattu est un système inhumain et injuste qui ne s’intéresse qu’à exploiter la force de travail nécessaire au bon roulement de l’industrie du savoir. Ce qu’il advient de ses agents n’importe d’aucune façon à ceux qui gèrent ce système. Ils s’en crissent.

Labonté, c’était aussi un géant de l’esprit de corps syndical qui s’entendait avec tout le monde. Toujours présent, sur les lignes comme dans l’organisation du syndicat, il y jouait des rôles discrets, mais essentiels. Son influence était prépondérante. Richard était un homme d’action subtil, mesuré et respectueux. On sentait la formation classique de cet individu hors-norme dans ce qu’elle avait de meilleur. Tout en nuances.

Mais franchement, ce qui revient à tout le monde quand on pense à Richard, c’est son sens aiguisé de la répartie, son humour décapant toujours prêt à profiter d’une situation insolite pour en extirper le côté burlesque. Il n’avait pas d’égal à ce jeu magnifique qui mettait finalement en valeur un esprit aux valeurs raffinées, à la conscience aiguisée et percutante.

J’allais dire inépuisable. Mais il semble qu’en fin de compte, même les plus grands, même les géants dont fait partie Richard Labonté comme représentant unique, même ces géants-là s’avèrent vaincus par le cancer social et sociétal que constitue la précarité. Il faudra bien y voir un jour ou l’autre. D’ici à ce que ça arrive, nous n’aurons pas le choix que de voir tomber au combat même les meilleurs, un après l’autre. Nous méritons mieux que cela. Richard méritait mieux que de mourir à l’âge que j’ai. Il aurait dû vivre jusqu’à voir tous ses enfants lui annoncer la venue des leurs, à tout le moins.

Que dire maintenant si ce n’est : Merci Richard, pour tous ces bons moments. La peine que nous avons est immense, à la mesure de l’être que tu étais, même si, en secret, nous nous souviendrons tous de ton sourire. Salut mon chum!

Ivan Constantineau

Un tourbillon

Mes rencontres avec Richard ont eu lieu en général au local du Syndicat. Il venait au local soit pour régler des affaires personnelles ou encore pour assurer un suivi à des dossiers syndicaux dont il avait la charge comme membre du comité de surveillance des finances ou encore comme président des élections au syndicat.

Avec Richard, pas de longues discussions, des échanges brefs, et oups! il repartait. J’essaie en vain de retrouver dans ma mémoire un moment où une «conservation» se serait prolongée. Ces visites éclair m’ont donné l’occasion d’observer, malgré tout certains traits qui méritent d’être relevés. D’abord, son attachement à ces cinq enfants, même s’ils ne les avaient pas au quotidien. Parfois, il prendra la garde d’un ou d’une d’entre elles dans son logement lors de ces épisodes qu’on nomme les «âges houleux» de la vie. Ces dernières années, parfois j’apprenais que l’une d’entre elles accompagnait leur père pour une partie de hockey ou de football aux États-Unis. Un autre élément qui mérite d’être souligné c’est sa maîtrise de la langue française. Pour corriger la syntaxe, les fautes grammaticales, la présence d’anglicismes, il était un maître en la matière. Ici, le contraste est très grand avec Richard l’intervenant en instance syndicale qui avait un mode plus direct, sans langage châtié, de nous interpeller. Il n’était pas de ceux qui montent souvent au «micro», mais chaque fois qu’il prenait la parole le message était court, sans fioritures et «punché». Richard était aussi capable d’assumer une charge d’enseignement dans un trimestre qui me renversait à chaque fois par son ampleur. Plusieurs m’ont rapporté la qualité de ses prestations d’enseignement. Mais dès qu’il a su que son état de santé allait être en voie de se détériorer, il s’est retourné rapidement pour prendre son congé de maladie et au terme de celui-ci, il a mis fin à son lien d’emploi même si pour lui cela impliquait une situation financière périlleuse en l’absence d’une protection de longue durée.

Sur le plan proprement syndical, je veux rappeler deux épisodes. En 2001, lors de l’assemblée générale de ratification de la convention collective, l’enjeu majeur était l’acceptation ou non de l’insertion d’une nouvelle manière de rémunérer les charges de cours. Au lieu d’un forfaitaire, on devait accepter la mise en place d’une échelle salariale qui reposait d’abord sur l’ancienneté (le pointage) et aussi la détention d’un niveau de diplomation. Celui qui présidait l’Assemblée avait annoncé qu’à la suite du rapport du Comité de négociation sur l’entente de principe intervenue et qu’une majorité des membres du Comité exécutif s’était exprimé contre l’entente de principe, le président d’assemblée qu’il allait permettre cinq pour et cinq interventions contre avant de passer au vote. Cette décision du président d’assemblée n’a pas été infirmée, malgré la houle qu’elle a causée. Je dois reconnaître que cet épisode est assez lointain dans ma mémoire, mais j’ai des traces de mon souvenir de l’intervention en faveur par Richard. Celui-ci exprimait son déchirement. D’un côté, il soulignait que l’identité de la rémunération, un taux unique pour une charge de cours, correspondait plus à son idéal égalitaire. De l’autre, tout en soulignant et ne cachant pas qu’il en serait un des bénéficiaires de la nouvelle échelle, il exprima son ralliement à celle-ci. Il n’épilogua pas longuement, mais il était clair pour ceux qui l’écoutaient à ce moment-là qu’il adhérait à la «nouvelle logique» de la rémunération proposée. Celle-ci marquait la reconnaissance de l’expérience accumulée, de la formation universitaire détenue ; cette échelle permettait à toute personne d’arrivée au dernier échelon, et ce peu le diplôme obtenu.

Deuxième épisode, c’est celui de la «crise syndicale» ouverte en 2011 et en 2012 et qui se caractérisa par une polarisation lors des élections. Je ne reviens pas sur le détail, dont chacun des acteurs de cette crise a une version, mais je veux témoigner de la rigueur, de l’impartialité du travail difficile accompli par Richard lors des journées électorales d’avril de chacune de ses années. Climat surchauffé de l’assemblée, rivalités claires entre les personnes candidates, interpellations directes lors du déroulement lors de la période électorale ou écrites au président d’élections après les assemblées générales. Lors de ces assemblées, Richard a su garder le contrôle comme président d’élection qui a permis d’assurer la pleine légitimité de ces élections. Le rapport du Comité d’enquête remis en mars 2014 sur le «Climat et relations au sein du Syndicat des chargées et chargés de cours de l’Université du Québec à Montréal» le confirme quand on écrit «… que le processus électoral s’est déroulé correctement». C’est à son honneur et nous ne devons pas l’oublier.

Je m’arrête et mes meilleures pensées à ses enfants et à Marie-Claude.

Jocelyn Chamard

Chargé de cours à la retraite.