Une de nos agentes de relations de travail au SPPEUQAM, Camille Robert, également historienne, autrice et professeure enseignante en histoire, nous rappelle, dans le texte qui suit, que le mouvement étudiant de 2012 est une grève qui s’inscrit dans la durée. On peut également l’entendre livrer un témoignage vidéo sur cette grève qui a constitué un événement socio-politique sans précédent au Québec.
En 2012, je terminais mon baccalauréat en histoire à l’UQAM. Je m’impliquais activement dans mon association étudiante facultaire et à la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), qui allait occuper une place centrale dans la grève étudiante.
Dans les mois précédents, nous n’avions aucune idée de l’ampleur de la mobilisation à venir, tant en durée qu’en intensité. Nous avions en tête les grèves passées, notamment celles de 1996 et 2005, et annoncions que la nôtre allait durer quelques semaines, tout au plus! Six mois plus tard, nous étions toujours dans la rue, face à un gouvernement qui refusait de négocier, qui parlait de « boycott » et tentait de nous réprimer avec une loi spéciale – une première dans le cadre d’un conflit étudiant.
Si le « printemps québécois » a pris une telle envergure, c’est d’abord grâce au travail de fond de centaines de militantes et militants qui, dès 2010, ont préparé le terrain pour la grève. Bien avant la manifestation monstre du 22 mars 2012, il y a eu les tournées de mobilisation, les ateliers de formation, la préparation et la distribution de journaux, les actions de visibilité, les occupations de bureaux de ministres et les manifestations nationales, dont celles du 1er avril 2010 et du 10 novembre 2011.
C’est ensuite à travers la démocratie directe, en assemblée générale et en congrès de la CLASSE, que les étudiantes et les étudiants ont pu prendre une place active dans les discussions stratégiques, dans l’élaboration des revendications et dans le choix des moyens d’action, tant au niveau local que national. Les débats étaient parfois longs et difficiles, mais nous en sortions avec une cohésion et une solidarité plus fortes, qui ont permis à notre mouvement de ne pas s’essouffler.
Enfin, notre mobilisation s’est considérablement élargie grâce aux alliances qui ont été bâties avec les groupes communautaires et les syndicats, notamment à travers la Coalition Main rouge. Depuis l’automne 2019, nous avons organisé la résistance face à la « révolution culturelle » de Raymond Bachand, alors ministre des Finances, qui souhaitait inculquer la logique de l’utilisateur-payeur dans les services publics. L’opposition à la hausse de 75 % des frais de scolarité s’inscrivait dès le départ dans un combat contre toutes les mesures d’austérité, qui concernait l’ensemble de la société. Et durant l’été 2012, les casseroles et les assemblées populaires ont donné un second souffle à notre grève, pour en faire une lutte populaire.
Dix ans plus tard, je suis toujours à l’UQAM, cette fois comme doctorante, professeure enseignante et agente de relations de travail au SPPEUQAM. C’est aux côtés de mes collègues enseignantes et enseignants, que j’ai pu croiser pour plusieurs en 2012, que nous avons adopté un mandat de grève générale illimitée pour exiger la reconnaissance de nos compétences et refuser la précarité de nos conditions de travail lors de l’Asemblée générale du 16 mars dernier. Nous ne savons pas ce qui nous attend, mais une chose est certaine : c’est à travers la mobilisation large et la solidarité que nous obtiendrons des gains.
Camille Robert