Pour la majorité du monde, se déclarer conjoints de fait est une décision qu’on prend soi-même, mais pas à l’aide sociale. Dès qu’une personne assistée sociale décide de vivre en colocation pour partager le prix d’un logement, l’aide sociale la soupçonne d’être en couple. Et s’il y a reconnaissance de vie maritale, leur chèque d’aide sociale est diminué ou carrément annulé. Ces personnes accusées sont alors coupables jusqu’à preuve du contraire. Elles devront faire la preuve qu’elles ne sont que des colocataires ou accepter le mariage forcé et de s’appauvrir. Dans le cadre de leur cours Mobilisation et action collective en travail social, à l’UQAM, un groupe d’étudiants ont créé des affiches dénonçant la situation et une vidéo expliquant les trois critères par lesquels les enquêteurs de l’Aide sociale déterminent si les personnes assistées sociales qui font l’objet d’une enquête vivent maritalement avec leur colocataire.
Le Front commun des personnes assistées sociales du Québec a également produit un document explicatif qui s’adresse aux gens pouvant se retrouver dans cette situation et mène une petite campagne sur les réseaux sociaux pour la Saint-Valentin.
Ça rend dépendant de l’autre
Le gouvernement envoie des chèques d’aide sociale aux familles, sauf quand les personnes vivent seules. Une «famille», pour le gouvernement, c’est : un parent ou deux, avec ou sans enfants. Deux personnes = un chèque. Quand une personne assistée sociale est en couple avec une personne qui a un travail rémunéré, le chèque d’aide sociale est coupé et c’est le salaire d’une personne qui fait vivre les deux.
Ça veut dire que des personnes qui vivent des conflits sont obligées de rester ensemble pour ne pas perdre le peu qu’elles ont. Ça veut dire que des femmes victimes de violence restent dans une relation dangereuse par peur de tout perdre. Ça enlève aux personnes le droit de décider pour elles-mêmes ce qu’elles veulent.
Ça fait baisser le revenu
Quand il donne un chèque pour toute la famille, ou pour un couple, le gouvernement donne moins d’argent que s’il donnait deux chèques séparés aux deux parents, ou aux deux membres du couple. Deux personnes = trois-quart de chèque.
Ça empêche de vivre des histoires d’amour
Plusieurs personnes vont décider de se séparer ou même de ne pas commencer une relation avec une personne aimée par peur de ce qui va arriver à l’aide sociale. Parfois, le gouvernement se rend compte qu’on habite avec un ou une colocataire depuis plusieurs années et demande qu’on leur rembourse des années de prestations qu’ils nous ont donné en pensant qu’on vivait seul. Le gouvernement considère ça comme une fraude.
Ça enfonce dans l’isolement
Qui voudra cohabiter avec une personne assistée sociale après avoir vécu une enquête du gouvernement, avoir vu sa famille, ses voisins, son employeur être questionnés, ses habitudes épluchées, et avoir dû rembourser une fortune au gouvernement pour avoir décidé de vivre des valeurs d’entraide et de solidarité? Même entre elles, les personnes assistées sociales doivent se méfier des amitiés à long terme et du soutien mutuel.
Qu’est-ce qu’on pourrait proposer pour changer?
Une personne = un chèque, pour vivre dans la dignité. C’est une des mesures urgentes que propose le Front commun des personnes assistées sociales et ses membres pour redonner à chaque personne son autonomie. Parce que chaque personne a droit à un revenu suffisant pour vivre sans dépendre de l’argent de quelqu’un d’autre. Parce que l’entraide et la solidarité ne doivent pas être punies. Parce qu’il ne doit pas y avoir d’étiquette de prix sur une relation amoureuse.