Enbridge 9B : Pourquoi tant d’excavations à la dernière minute ?


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Au lendemain de l’autorisation accordée par l’Office national de l’énergie (ONÉ) de démarrer l’exploitation de l’oléoduc 9B, Enbridge a avisé l’ONÉ qu’il effectuerait de nouvelles excavations de son oléoduc, dont cinq en Ontario et trois au Québec. La compagnie indique procéder à des excavations lorsque les résultats des inspections internes montrent la présence d’éléments d’usure pouvant nécessiter réparation. Les excavations prévues au Québec débuteront le 3 novembre prochain à Terrebonne et Mirabel (près de St-Placide) et le 6 novembre à Rigaud. Elles se feront près de tronçons de pipeline qui ont déjà fait l’objet de plusieurs réparations, selon les données disponibles sur le site de l’ONÉ.

Rappelons qu’entre 2013 et 2014, Enbridge a procédé à 989 excavations sur l’ensemble de la canalisation 9 afin de réparer environ 3000 éléments d’usure sur les 12848 détectés par les outils d’inspection interne. L’oléoduc 9B est inactif depuis presque deux ans et la dernière inspection interne remonte à 2012.

Selon les Citoyens au Courant (CaC), ces excavations de dernière minute reflètent les limites des outils d’inspection interne. Les nombreuses données fournies par ces outils requièrent une analyse complexe qui, ultimement, nécessite un jugement d’ingénierie pour déterminer quels éléments méritent d’être réparés. Or, suite à la rupture de la ligne 6B d’Enbridge en 2010 qui a contaminé la rivière Kalamazoo à Marshall au Michigan, le rapport d’enquête du Bureau de la sécurité des transports américain a clairement montré que les fissures à l’origine de la rupture auraient pu être réparées si leur sévérité avait été évaluée correctement, et si Enbridge s’était donné une plus grande marge de sécurité.

Soulignons que l’ONÉ a dû exiger, le 18 juin dernier, des tests hydrostatiques sur l’oléoduc 9B en raison des limites avérées des inspections internes qu’Enbridge y avait effectuées. L’ONÉ a peu après abaissé le standard de pression ordonné pour ces tests, à la demande d’Enbridge. L’ONÉ s’est justifié en disant que la pression des tests ne devait pas excéder le critère minimum de réparation qu’il avait préalablement fixé. Ce faisant, l’ONÉ aurait entériné l’approche qu’Enbridge avait adoptée pour sa ligne 6B, approche qu’Enbridge semble avoir maintenue pour sa ligne 9B, qui consiste à avoir un critère de réparation moins rigoureux pour les fissures, que pour la corrosion. En diminuant la pression exigée pour les tests, l’ONÉ a pris le risque calculé de devoir surveiller la croissance des 250 fissures restantes les plus sévères de la canalisation, plutôt que de les éliminer d’emblée grâce à un processus approprié, incluant des tests hydrostatiques sur tout le pipeline à la pression ordonnée le 18 juin.

«Avec tous les compromis que l’ONÉ a faits sur la sécurité de ce projet, je ne suis pas convaincue que le pipeline peut être exploité sans danger. Ces excavations de dernière minute annoncées après l’obtention du feu vert m’indiquent que le pipeline n’a pas passé le véritable test d’intégrité. Sans test hydrostatique à la bonne pression sur toute la ligne pour assurer la solidité et l’étanchéité du pipeline, les risques sont extrêmement élevés qu’une rupture ou que des fuites surviennent lors de l’exploitation. Cela fait des mois qu’on s’emploie, expertise à l’appui, à le démontrer à l’ONÉ, mais ce dernier a choisi de privilégier l’intérêt des pétrolières et de prendre des risques avec notre eau potable. L’évaluation de ce projet est clairement déficiente. J’implore donc notre nouveau premier ministre, Justin Trudeau, qui a reconnu que le processus de l’ONÉ devait être revu en profondeur, d’annuler l’autorisation qui a été accordée à Enbridge 9B», affirme Lorraine Caron, porte-parole des Citoyens au Courant.