Déjà, le mercredi 19 août, on sentait l’ambiance d’un forum social sur le site de l’Université d’Ottawa, qui allait bientôt être placardé d’une grande quantité d’affiches invitant à participer à pas moins de 500 ateliers. Déjà, les bénévoles étaient attablés, prêts à prendre les inscriptions ou pensaient à tous les aspects de l’accueil des participantes et participants qui viendraient de partout au Canada, et parfois d’ailleurs. Avant même sa tenue, un aspect fondamental de la réussite de ce forum aura été de réunir des personnes et des organisations tant autochtones qu’allochtones, du Québec et de l’ensemble du Canada.
Une haute tente blanche était montée sur la place publique de la cité universitaire, prête à accueillir les grandes conférences, dont celle de Naomi Klein, et le dimanche, les participantes et participants à l’assemblée de convergence des mouvements sociaux qui allait clôturer l’activité. Une déclaration d’action commune serait adoptée sous ce chapiteau et elle ferait son chemin[1]. En plein cœur d’Ottawa, elle rassemblerait les forces progressistes et stimulerait la lutte contre le gouvernement conservateur une année avant le déclenchement des élections fédérales. Plus largement, cet appel à l’action portait à la fois la sensibilité des diverses situations et luttes menées par les groupes et les personnes présentes, tout en soulignant l’ampleur des défis qui attendent cette gauche plurielle dans le contexte du néolibéralisme, du capitalisme sauvage et de l’idéologie de l’austérité.
La rue principale se bordait de kiosques de toutes sortes présentant des pétitions militantes, des maisons d’édition anarchistes, ou proposant du thé bio à volonté, des gaminets politiques, etc. L’odeur de la cantine collective, avec ses notes de curry végan, embaumait la cité universitaire. Le lendemain, les gens arriveraient et pendant quatre jours, discuteraient dans les ateliers parfois trop pleins, parfois intimes et informels. Certains seraient annulés, retardés, déplacés, ainsi vont les forums sociaux. Les risques d’orage en moins, on se serait cru à Tunis, là où s’est déroulé le dernier forum mondial et là où se déroulera le prochain.
À cause de la surabondance d’activités, il est forcément difficile de résumer le Forum social des peuples d’Ottawa. Parmi ces activités, certaines nous concernaient davantage, comme la grande manifestation qui unissait les peuples du Canada, ou l’assemblée de convergence en éducation organisée par la FNEEQ.
La grande manifestation
La grande manifestation, qui s’est tenue l’après-midi de la première journée du FSP, avait trois points de départ : l’un au Musée de la guerre à Ottawa, le second à Hull et le troisième sur l’île Victoria. Tous ont convergé vers le Parlement canadien. Pour l’occasion, les autorités n’ont pas hésité à fermer quatre ponts liant le Québec à la Capitale. Il fallait être présent à l’évènement pour apprécier le ton festif de la manifestation. Les grandes marionnettes de nos camarades de l’Université Laval y étaient particulièrement visibles. La pluie n’a pas affecté l’émotion et la solidarité, à son comble, notamment lors des discours en langues autochtones.
La présence remarquable des peuples des Premières nations
Difficile de passer sous silence la présence importante de participants et participantes en provenance des peuples des Premières nations. Les organisateurs estiment qu’ils représentaient entre 35 à 40 % des participants. Certains d’entre eux avaient marché de leur lieu de résidence jusqu’à Ottawa. Ils ont fait une apparition remarquée, à l’assemblée de convergence des services publics et ont présenté un témoignage émouvant. On a d’abord entendu leurs pas dans le corridor. Puis, ils sont entrés et, dans leur langue, ont livré leur message avec des sanglots dans la voix : « Que ferons-nous quand nous serons sans eau, sans terre, sans animaux et sans glace? Ne détruisons pas tout! ».
La rencontre avec le ROC
La délégation et la participation de la FNEEQ étaient remarquables. En plus de l’exécutif et d’autres membres de l’équipe, plusieurs personnes chargées de cours étaient sur place ainsi que les délégués du regroupement cégep, réunis à Hull pour participer à cette mobilisation.
D’ailleurs, une telle participation ne peut que contribuer à rompre les deux solitudes entre le Québec et le reste du Canada. En ce sens, des pas importants ont été accomplis. En effet, dans la grande majorité des ateliers, des participantes et participants du Québec et du ROC en nombre significatif ont pu dialoguer. Le système de traduction simultanée ou par chuchotement a été efficace et a favorisé les échanges.
Par exemple, l’atelier « Université Inc. », organisé par les Nouveaux cahiers du socialisme en collaboration avec la FNEEQ, a réuni Jean-Michel Savard, de l’ASSÉ, Marie-Pierre Boucher, membre du comité école et société de la FNEEQ, et Paul Hamel, professeur à l’Université de Toronto. Cet atelier a permis de constater que, de Montréal à Toronto, la lutte contre la marchandisation de l’éducation est semblable et qu’il y a urgence à se concerter et reprendre le contrôle de nos institutions.
« Une assemblée de convergence historique en éducation »
De nombreux intervenants et intervenantes ont tenu à souligner l’importance de l’assemblée de convergence organisée par la FNEEQ. Les assemblées de convergence se distinguent des ateliers par la place qu’elles accordent à la parole des participantes et participants. Ainsi, durant le forum, il y a eu de nombreux ateliers portant sur un enjeu particulier de l’éducation. L’assemblée de convergence se voulait quant à elle plus rassembleuse, pas moins de cent cinquante personnes issues d’une vingtaine d’organisations de tous les ordres, de partout au Canada (mais majoritairement du Québec), ont participé à la mise en œuvre d’une déclaration d’intention qui a été présentée le dimanche lors de l’assemblée de convergence des mouvements sociaux.
Le but de cette déclaration était de dresser une liste d’actions prioritaires et communes que les organisations s’engagent à promouvoir. À partir d’un canevas initial proposé par la FNEEQ, l’assemblée a convenu de l’urgence d’agir et de se concerter sur les enjeux suivants : les compressions budgétaires dans le soutien et l’encadrement à l’apprentissage et l’enseignement, l’accessibilité, la gratuité, la valorisation des enseignements et des enseignants et la reconnaissance de l’éducation comme un droit fondamental, et que l’éducation soit une priorité, partout et pour toutes et tous. D’abord et avant tout, l’assemblée a fermement réitéré que « l’éducation est un droit fondamental pour tous les êtres humains, et ce, tout au long de la vie[2]. »
Ces sujets seront sûrement repris et développés lors du Forum sur les enseignantes et enseignants universitaires contractuels, organisé par la FNEEQ et qui se tiendra du 20 au 22 novembre prochain à Montréal, aussi bien que lors des États généraux sur l’enseignement supérieur, vaste processus initié par la FNEEQ.
Les suites :
En attendant la tenue du prochain Forum social mondial en mars 2015 à Tunis, soulignons le Forum social bas-laurentien qui s’est tenu à Saint-Mathieu-de-Rioux du 19 au 21 septembre, et le Forum Social des peuples de la Saskatchewan aux mêmes dates.
Quant aux suites à donner au FSP d’Ottawa, laissons le dernier mot aux organisateurs de l’activité : « … elles se feront sentir à long terme. Ce n’est qu’un petit pas sur la longue route menant à une société plus équitable et juste, mais ceci est capital car “le chemin se fait en marchant”[3]».
Le comité école et société
On peut contacter le comité école et société par courriel à l’adresse : cesfneeq@csn.qc.ca
[1] Appel à l’action : http://www.peoplessocialforum.org/final-assembly-text/ .
[2] http://www.fneeq.qc.ca/fr/accueil/2014-08-24_Déclaration_de_l’assemblxe_de_convergence_éducation.pdf
[3] Propos tenus dans un courriel post Forum.