Le monde entier est un théâtre, et tous hommes et femmes n’en sont que les acteurs. [1]
En lever de rideau, le nom du Syndicat des professeures et professeurs enseignants de l’UQAM (SPPEUQAM) a suscité un enthousiasme réel auprès des membres et d’une bonne part de la communauté uqamienne. Cependant, des réserves s’expriment au sein de l’exécutif du SPUQ.
Suite aux deux articles publiés dans le SPUQ-Info de mars 2019 [2], nous tenons à réagir et à exprimer clairement nos intentions quant au changement de nom de notre syndicat.
Selon le SPUQ, notre nouveau nom fonde les prémices d’un conflit de nature shakespearienne. À notre avis, cette apparence de conflit se résume plutôt à une série de quiproquos où, à la fin de la pièce, il y aura eu Beaucoup de bruit pour rien. [3]
Le statut de professeur-e enseignant-e ou de chargé-e d’enseignement à temps plein
Soyons clairs, nous sommes totalement en accord avec le SPUQ lorsqu’il dénonce haut et fort la création d’un statut de chargé d’enseignement ou de professeur enseignant [4] à temps plein.
Ce modèle adopté, entre autres, par le Syndicat des chargées et chargés de cours de l'Université Laval, a été écarté lors de notre AG du 16 mars 2018. Nos membres ne voulaient pas d’un nouveau statut à plein temps qui aurait fragilisé un grand nombre de personnes chargées de cours qui en seraient exclues.
Il ne faut pas se leurrer, il y aura toujours des personnes chargées de cours qui seront appelées à prendre les derniers cours restants advenant la création d’un nouveau statut. Malheureusement, elles seront encore plus précaires dans ces conditions.
Une disparité de traitement existe déjà avec les professeur-e-s du SPUQ, nous ne voulons aucunement en créer une nouvelle au sein de nos membres. Cette situation s’est d’ailleurs produite avec nos collègues tutrices et tuteurs de la TÉLUQ (STTTU) lors l’instauration d’un statut de professeur-e-s sous contrat dédié-e-s presque exclusivement à l’enseignement. Le SPPEUQAM dénonce sur tous les fronts cette usurpation du travail des enseignant-e-s du STTTU, lesquel-le-s sont nombreux et nombreuses à avoir perdu leur gagne-pain.
Lors de l’assemblée générale du 16 mars 2018, nous avons voté pour un modèle de stabilisation équitable pour toutes et tous, qui ne propose en aucun cas de créer un statut d’enseignant-e à temps plein. Selon ce modèle, le mécanisme d’attribution des cours prévu à notre convention collective actuelle resterait en vigueur et chacun-e obtiendrait le nombre de cours lui étant habituellement attribué, et ce, peu importe le nombre.
À l’unanimité [5], les membres ont mandaté le prochain Comité de préparation de la négociation pour conserver ce mécanisme d’attribution lié à notre modèle de stabilisation.
Antérieurement, lors de la négociation pour le renouvellement de la convention collective
2012-2014, nous avons demandé de nous retirer du projet pilote portant sur l’engagement de personnes chargées de cours enseignant à temps plein sur une base annuelle. L’application de ce projet s’est révélée difficile en raison du peu de postes disponibles (10) et de l’impossibilité de l’implanter dans les départements offrants peu de cours.
Nos membres ont un grand souci d’équité, vertu qui découle en grande partie de notre expérience vécue de la précarité, et il est clair que toute idée de séparation par classe d’enseignant-e-s est incompatible avec nos visées.
C’est donc dire que nous n’avons pas d’agenda caché : le choix de notre nom ne dissimule pas l’intention de créer un nouveau statut. Nous allons plus loin dans cette lutte et invitons officiellement le SPUQ à s’unir au SPPEUQAM contre la création d’un statut de professeur-e enseignant-e ou de chargé-e d’enseignement à temps complet.
L’appellation de professeur-e enseignant-e pour le titre d’emploi
Après la démonstration de notre position officielle, résolutions des instances syndicales à l’appui, passons maintenant à l’acte principal, soit le rationnel qui sous-tend notre changement de nom.
Notre volonté est de changer l’appellation de notre emploi pour celle de professeur-e enseignant-e. Il s’agit d’une nouvelle dénomination sans incidence sur notre tâche ou sur notre statut actuel. Mais ce changement est très significatif aux plans symbolique et affectif. Il nous renvoie une image plus positive de nous-mêmes.
Lors du processus décisionnel pour trouver ce nouveau nom, plusieurs suggestions ont été proposées par nos membres. En aucun cas celles-ci ne faisaient référence à des statuts existants ailleurs. Nous nous sommes plutôt attardé-e-s à la signification des termes utilisés de manière à ce qu’ils reflètent adéquatement notre travail.
C’est donc sans surprise que le nom de professeur-e chargé-e d’enseignement, proposé par sept membres du département de linguistique suite à la réalisation d'un travail lexicographique, a été celui qui a trouvé le plus de résonance pour nous.
Par la suite, nous avons décidé, collectivement, de ne plus faire mention du terme « chargé-e », car il renvoyait à notre ancienne appellation qui avait une connotation négative associée à notre précarité.
Le terme professeur-e est employé usuellement pour désigner toute personne spécialisée dans l’enseignement d’une discipline, d’un art, d’une technique. C’est l’appellation qui est utilisée pour les professeur-e-s de CÉGEP qui, soit dit en passant, ne sont pas rémunéré-e-s pour faire de la recherche.
Quant au dénominatif « enseignant-e », il précise simplement la raison d’être principale de notre corps d’emploi, telle que définie par nos tâches. [6]
Des professeur-e-s ici et ailleurs
À l’Université Concordia, les personnes ayant la fonction de chargé-e de cours se nomment professeur-e-s. Dans cette université montréalaise, personne ne craint qu’un jour elles n’obtiennent un statut de professeur-e enseignant-e à temps plein.
Paradoxalement, ce sont souvent des professeur-e-s membres de syndicats de professeur-e-s régulier-ère-s qui obtiennent ce statut dans les universités du monde anglophone et non les personnes chargées de cours. À noter que le dédoublement du titre de professeur-e à l’Université Concordia ne crée aucun conflit au sein des deux syndicats les représentant.
En ce sens, nous sommes en tout point en accord avec la position de l’Association des professeur-e-s de l’Université d’Ottawa (APUO), position partagée par le SPUQ [7]. Cette association s’est prononcée très nettement contre la création de statuts de professeur-e-s-enseignant-e-s. Cependant, elle accepte sans réserve que leurs chargé-e-s de cours se nomment professeur-e-s. Là encore, il n’y a aucun conflit à ce sujet entre les deux syndicats respectifs.
Il est bien évident que les professeur-e-s régulier-ère-s ne seront pas perçu-e-s comme étant exclusivement des professeur-e-s chercheur-e-s en raison de notre nouveau titre d’emploi, car tout le monde au Québec sait qu’un-e professeur-e enseigne. Nos étudiant-e-s à l’UQAM le savent également. C’est peut-être pour cette raison que la plupart des étudiant-e-s nous appellent déjà professeur-e, car pour eux et elles cela va de soi.
Pas de confusion à l’UQAM
Il est sain que ce débat ait lieu entre le SPUQ et le SPPEUQAM. Nous sommes ravi-e-s de constater que la confusion que pourrait créer l’utilisation du terme professeur-e par nos deux syndicats n’est pas un enjeu pour le SPUQ. Cela tient probablement au fait qu’il utilise déjà cette appellation pour le statut de professeur-e-s associé-e-s.
Ceux-ci et celles-ci ne sont pas rémunéré-e-s par l’employeur pour faire de la recherche et n’enseignent pas sous ce statut. Par ailleurs, plusieurs de ces professeur-e-s associé-e-s sont des personnes chargées de cours qui portent ces deux titres.
Nos membres sont régulièrement invité-e-s par les médias pour commenter l’actualité sous le vocable de professeur-e associé-e. Le SPUQ, loin de s’en offusquer, profite du rayonnement de nos spécialistes.
Probablement sait-il comme nous que le terme professeur-e est employé un peu partout à l’international pour nommer les personnes chargées de cours.
Une question de fierté et de reconnaissance
À l’UQAM, la Direction ne s’est pas opposée au changement de nom de notre syndicat, ni non plus signifié son désaccord comme le prétend le SPUQ. La lettre officielle envoyée par l’UQAM au Tribunal administratif du travail expliquait qu’elle ne se positionnait pas face à un éventuel changement de titre d’emploi. Elle réservait ce droit pour plus tard.
La reconnaissance et la valorisation de notre apport à l’Université doivent passer par un titre d’emploi qui nous tienne à cœur, qui rende compte de notre réalité universitaire et qui soit universellement reconnu. [8]
Nous serions de facto la première université francophone au Québec à avoir deux titres d’emploi qui comportent le terme de professeur-e. Il s’agit donc d’une nouvelle occasion pour toute la communauté de continuer cette marche vers l’avant. Osons l’UQAM! [9]
En terminant, nous accueillons avec joie l’offre du SPUQ de fonder un combat commun, avec les chargé-e-s de cours, contre la précarisation du personnel enseignant. [10]
Espérons que, lorsque le rideau et les masques tomberont, ces belles répliques se matérialiseront et que cette collaboration aura été plus qu’un Songe d’une nuit d’été. [11]
Solidairement,
Les membres du Comité exécutif du Syndicat des professeures et professeurs enseignants de l'UQAM
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Références :
[1] "All the world’s a stage, And all the men and women merely players". Citation de la pièce de Shakespeare, Comme il vous plaira (As You Like It).
[2] SPUQ-Info, mars 2019 : spuq.uqam.ca/documents/x_documents/503_spuq-info_309_.pdf
[3] Much Ado About Nothing, comédie de Shakespeare.
[4] Voir SPUQ-Info, mars 2019.
[5] Réf. : sppeuqam.org/retour-sur-lassemblee-generale-du-12-mars-2019/
[6] Tâches définies par notre convention collective et respectant la portée intentionnelle de notre accréditation syndicale.
[7] Voir SPUQ-info, mars 2019
[8] Le titre « chargé-e de cours » n’est pas reconnu à l’international. C’est plutôt le titre de professeur-e qui est commun pour la fonction de chargé-e de cours.
[9] Osons l’UQAM, slogan de Madame Magda Fusaro lors de son allocution pour la course au rectorat.
[10] Voir SPUQ-Info, mars 2019.
[11] A Midsummer Night's Dream, comédie de Shakespeare racontant les mésaventures amoureuses de deux couples dont la vie devient illusion et théâtre sous la manipulation capricieuse d’êtres féériques.